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16/03/2011

Né trop tard ?

Il est toujours agréable de voir les musée de province organiser une grande rétrospective sur un enfant du pays, ancienne gloire locale désormais oubliée et faisant partie de ces charmants petits maîtres chers à Verschuur. Disposant déjà d'une salle dans l'accrochage permanent du musée de Gajac à Villeneuve sur Lot, c'est pour quelques semaines tout le musée qui est consacré à André Crochepierre (1860-1937) avec une bonne centaine d'œuvres provenant essentiellement du fond du musée (qui n'en expose qu'une faible partie habituellement) et de collections privées. Né à Villeneuve où il reviendra après sa formation parisienne chez Bouguereau, ce qui ne l'empêchera pas de participer avec un certain succès aux Salons à Paris (médailles en...) ni même d'exposer à l'étranger, il semble viscéralement attaché à sa terre.

 

Si le musée de Gajac ne présente en général que quelques portraits et scènes de genre, l'exposition va mettre en lumière toutes les facettes de son art en tentant de les présenter par thème (intimité de l'artiste, scènes de genre, portraits, natures mortes) alors même que la configuration du musée rend cela difficile. Ainsi trouve-t-on à côté de sa seule (et franchement décevante) scène d'histoire non seulement des esquisses mais aussi nombres de petites œuvres (pas toujours en très bon état de conservation d'ailleurs) de tout genre (deux très jolies bord de mer cependant) et quelques œuvres très médiocres de proches. Quand à la grande salle, on y retrouve mélangés des natures mortes, des scènes de genre avec leurs études et quelques portraits alors que les couloirs servent à accrocher les paysages sans réelle cohésion apparente ainsi qu'un grand portrait de famille. Ajouter à cela la quasi-absence de tout panneau explicatif et il faudra bien se contenter du seul plaisir des yeux, qui sera fort heureusement grand.

 

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Autoportrait au foulard rouge - 1931 - Musée de Gajac

 

On découvre ici un portraitiste à la formation classique (Mme Dartigue et M. Vivier dont les fonds noirs auraient pu être peints par un élève d'Ingres) capable et ce dès ses débuts (le truculent Homme au fleuret) d'une grande liberté de touches et d'effets : ses autoportraits sont ainsi brossés avec vigueur alors que les vues de son épouse dans différentes situations sont pleines de tendresses et de charmes. Et il est étonnant de voir de la même main le très austère (et très milieu du XIX° Mme Labadie) et les beaucoup plus naturels et modernes Portrait du grand père Albre ou Mme Albre. Mais sa réputation (tableaux achetés par l'état et présentés au Louvre), Crochepierre la fit sur ses scènes de genre inspirées par sa passion pour les maîtres hollandais. Des travailleurs, souvent pauvres et âgés, fileuses, dévideuses, brodeuses, essoreuses ou autres..., représentés dans un clair-obscur rembranesque traversé d'éclats de lumière chaude. Tout en empâtement, les visages sont souvent marqués mais il y a toujours quelque chose de digne et de touchant, un profond respect.

 

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La visite du linge - 1897 - Musée de Gajac

 

Mais la vraie surprise fut de voir qu'il fut aussi un paysagiste délicat, de sa région mais pas que. Influencé par les pleinairistes, plus l'école de Barbizon que l'impressionnisme, il s'attache à représenter des scènes simples, accrochées par la lumière. Un étang, une forêt, une masure (somptueuse Grange) sont sources de poésie et de lumière. On découvre aussi un charmant peintre de nature-morte, dont les ustensiles de cuisine en cuivre ou en porcelaine rappellent aussi bien le Kalf de l'âge d'or hollandais que plus tard Chardin ou le méconnu Fouace. On gardera aussi un souvenir ému de deux superbes chats relégués dans une salle minuscule servant pour l'audio-visuel. Et il n'est pas difficile de penser que, s'il était né 30 ans plus tôt, Crochepierre aurait été autrement célébré, alors que là, il souffre face aux avant-gardes. Dommage simplement que l'exposition se contente d'accumuler les oeuvres et que le catalogue soit aussi sommaire.

 

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L'étang du Rooy - 1913 - Musée de Gajac

 

Rendons cependant grâce au musée de Villeneuve sur Lot de présenter régulièrement des expositions de qualité ('Imaginaire de Ruines', 'Espagne les années sombres', 'Eaux volantes, eaux marchandes'...) et d'avoir encore une fois prouvé à quel point il y a du talent et de la diversité chez les petits maîtres académiques jusque dans les premières décennies du XXème siècle. En espérant pourquoi pas bientôt un travail de qualité équivalente sur l'autre gloire locale, Maurice Réalier-Dumas.

 

André Crochepierre 1860-1937 éloge de l'instantané. Musée de Gajac, Villeneuve sur Lot jusqu'au 20 mars 2011.

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