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13/09/2025

Revoir Luce

Vu l'endroit où j'ai passé mon enfance, le nom de Maximilien Luce ( 1858 - 1941 ) m'est connu depuis très longtemps même s'il m'a fallu des années avant d'apprécier pleinement son art. Ce fut donc un plaisir de me rendre (plusieurs fois) à la grande exposition que lui consacre le musée Montmartre.

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Et autant le dire tout de suite, c'est une grande réussite qui devrait convaincre ceux qui ne le savaient pas que c'est un artiste majeur du courant post-impressionniste. Chrono-thématique comme la plupart des expositions actuelles, elle présente ses proches, sa période à Montmartre, ses vues parisiennes en particulier les travaux dans Paris, le Sud de la France, la Belgique, Londres et pour finir Rolleboise près de Mantes-la-Jolie où il s'est installé à partir de 1917. Il y a des tableaux majeurs dans chaque section mais aussi un bel ensemble de gravures (pas assez de dessins en revanche) et c'est un régal pour les yeux. Deux petits soucis cependant : ce n'est pas réellement une rétrospective, étant comme son titre l'indique tourné vers le paysage, ce qui fait qu'une partie de l’œuvre de Luce est partiellement voire totalement occultée (la Commune, la Grande Guerre...) et elle présente essentiellement des tableaux de sa période divisionniste au détriment de sa deuxième partie de carrière (certes plus inégale). Ce qui ne doit surtout pas vous empêcher d'y courir avant sa fermeture demain.

 

Heureusement il y a deux façons d'avoir une vision plus complète de l’œuvre de Maximilien Luce. D'abord en se rendant à Montargis où le musée Girodet présente pour la deuxième fois seulement le très bel ensemble qui lui a été légué en 1983. On pourra y admirer quelques peintures, surtout des petits formats tardifs dont une magnifique Sablière à Rolleboise et une Gare de l'Est très représentative de ses tableaux de permissionnaires pendant la guerre de 14 mais aussi un bel ensemble de gravures et surtout de très nombreux dessins montrant toute sa virtuosité pour représenter en quelques traits un portrait (son fils Frédéric, Signac), un travailleur ou un petit paysage, qu'il soit urbain, bucolique ou maritime. Puis en se rendant au musée de l’Hôtel-Dieu à Mantes-la-Jolie où les très nombreuses peintures donnent un panorama bien plus complet (bon, il y a peu d’œuvres purement divisionnistes par contre) du maître. L'occasion de voir des toiles importantes comme Le bon samaritain, Les voleurs de poule, La gare de l'est sous la neige, L'exécution de l'alsacienne ou une des versions de L’exécution de Varlin. Tout cela devrait vous convaincre que Luce est un artiste majeur...

 

Maximilien Luce, l’instinct du paysage, Paris, musée de Montmartre, jusqu'au 14 septembre 2025.

Maximilien Luce, passager du temps, Montargis, musée Girodet, jusqu'au 12 octobre 2025.

30/07/2025

Deux ratages parisiens

L'une ferme, l'autre a ouvert il y a peu, mais on ne vous conseille pas vraiment ces deux "expositions évènements" qui, comme presque toujours, sont des ratages (mais pleines de monde, donc j’imagine que tout le monde est content...).

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Cléopâtre à l'IMA est une parfaite illustration du vieil adage "qui trop embrasse mal étreint". Un premier étage consacré à la vie de la reine (et un peu à la dynastie ptolémaïque) où tout est survolé et où les pièces archéologiques présentées ne sont pas fantastiques ; un deuxième étage consacré à sa postérité dans les lettres, les arts, le cinéma et la socio-politique (section plus que dispensable et discutable)... on imagine bien qu'il y a peu de choses consacrées à chaque thème... Ainsi la partie beaux-arts qui nous intéresse ici prend moins de place que le Astérix de Chabat (je ne plaisante pas) en présentant à peine 20 peintures, gravures et sculptures. Alors certes, quelques dizaines de morts de Cléopâtre aurait peut-être été de trop (pas pour moi) mais les œuvres présentées montrent à quel point les artistes peuvent en avoir une vision différente (moment de la morsure, agonie, corps sans vie). Il est en outre dommage que trop d’œuvres soient déjà bien connues des amateurs de nos musées de Province. On est en revanche ravi de voir le Cléopâtre dissolvant la perle de Carlo Maratta du Museo nazionale del Palazzo di Venezia à Rome, même si fort mal éclairé comme les autres... Bref pas franchement indispensable...

 

Les "grandes" expositions à Jacquemart-André sont souvent discutables (hello Botticelli...), mais on a peut-être touché le fond avec celle consacrée à Artemisia Gentileschi, artiste tellement "à la mode" qu'il y a des rétrospectives constamment à travers le monde (donc logiquement les chefs-d’œuvre ne peuvent pas être prêtés partout), qui réussit à être pire que celle du musée Maillol il y a quelques années, déjà assez moyenne. Énormément de monde, salles trop petites pour le format de nombreuses toiles, éclairage et couleur des murs... ne mettant pas en valeurs les œuvres va-t-on dire poliment... l'expérience du visiteur n'est déjà pas terrible. S'ajoute à cela la qualité très variable des toiles présentées. Certes il y a quelques indiscutables tableaux majeurs venus de grandes institutions mais aussi beaucoup d’œuvres bien moins convaincantes souvent en main privée (faut dire qu'il en passe du Artemisia sur le marché de l'art depuis quelques années). Et comme dans d'autres expositions, on aimerait bien un prudent "attribué à" voir même un honnête "ici attribué à" quand il y a discussion (le Couronnement d'épines du Caravage reste discuté par exemple même si l'attribution semble gagner du terrain). Du coup impossible de se faire une véritable idée de l'artiste (on est très loin de la splendide rétrospective Ribera du Petit Palais mettant définitivement lo Spagnoletto tout en haut des peintres caravagesques)(où n'est pas Artemisia, loin de là). Et on rit (jaune) en lisant des "critiques" affirmant que l'exposition montre à quel point Artemisia est supérieur à son père Orazio, représenté, lui, par 5 toiles merveilleuses...

 

Le mystère Cléopâtre, Paris, IMA, jusqu'au 11 janvier 2026

Artemisia, héroïne de l'art, Paris, musée Jacquemart-André, jusqu'au 3 août 2025

08/07/2025

Petit passage à l'Institut Suédois

Si l'institut Suédois propose essentiellement des expositions d'artistes contemporains, les amateurs d'arts anciens pourront y voir en ce moment deux accrochages bien sympathiques...

 

Dans une première salle au premier étage, un accrochage "permanent" des collections de l'Institut permet de découvrir un bel ensemble d’œuvres d'artistes suédois ou installés en Suède au XVII et XVIII° : un ensemble de portraits (Roslin, Lundberg, Meytens, Wertmuller (superbe portrait du peintre Bachelier)), de paysages (Rehn, Boulanger, Demachy (étonnante scène de montgolfière)) mais aussi deux scènes d'intérieur à l'éclairage étonnant de Pehr Hilleström.

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La salle suivante propose un très bel ensemble de dessins, gravures et gravures aquarellées de  Louis-Jean  Desprez artiste français venu en Suède pour peindre des décors d'opéra pour Gustave III. Si l'artiste est mieux connu depuis l'exposition du Louvre il y a déjà 30 ans, c'est un immense plaisir de re-découvrir ses œuvres dans des conditions optimales (pas un chat , on peut profiter...). Scènes fantastiques, décors ou scènes naturelles, Desprez est un artiste vraiment singulier qu'on prend un vrai plaisir à revoir. Et la célèbre chimère est bien entendu présente...

 

Louis-Jean Desprez. Entre-mondes, Paris, Institut Suédois, jusqu'au 26 octobre 2025.

 

NB : et vu que c'est juste à côté, un petit passage à Cognacq-Jay s'impose. Vu qu'il n'y a pas d'exposition temporaire en ce moment, le 1er étage présente des œuvres pas toujours visibles (dont deux très beaux dessins d'animaux de Watteau) et il y a quelques très belles pièces sur papier dans la salle des miniatures au deuxième.

07/07/2025

Boudin à Marmottan

Ayant pu voir la magnifique exposition Boudin au Havre il y a quelques années, je n'attendais pas forcément énormément de choses de celle organisée par le musée Marmottan-Monet, d'autant que les œuvres venant d'une seule collection privée (accompagnées par quelques oeuvres du musée) j'avais un peu peur qu'il y ait beaucoup d'esquisses et de petites pochades.

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Mais en fait pas du tout ! La collection réunie est absolument magnifique et donne un bon aperçu de l'art d'Eugène Boudin. L'exposition est comme souvent pour les expositions monographiques chrono-thématiques : les liens avec Monet, les débuts, la Bretagne, la Normandie, le Nord et Bordeaux, le Sud et Venise. Et c'est une succession d’œuvres de très belle qualité.

 

Car Boudin excelle à retranscrire le ciel et la mer du Nord (c'est moins ça pour le soleil du Sud...) avec ses infinies variétés de bleus-gris : ports, plages, campagnes, vaches... se succèdent avec toujours un grand plaisir. Une vraie belle exposition pour faire honneur à une collection privée incroyable.

 

Eugène Boudin, le père de l'impressionnisme : un collection particulière, Paris, musée Marmottan-Monet, jusqu'au 31 août 2025.

06/07/2025

Printemps 2025 en IdF 3 : Regnault à Saint Cloud

L'exposition ferme la semaine prochaine et je vous invite fortement à y aller (personnellement j'y suis allé deux fois)  car je ne pense pas qu'une exposition plus complète aura lieu dans les prochaines années.  Car s'il manque des pièces majeures (trop grandes, comme les tableaux d'Orsay, où trop difficiles à faire venir)(la seule œuvre dont on a du mal à comprendre l'absence est son grand prix de Rome), difficile d'imaginer une grande institution faire une rétrospective sur un artiste mort si jeune.

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Et donc l'exposition commence par la fin : la mort d'Henry Regnault à Buzenval en 1871 qui fera de lui un "héros" national : portraits, dessins faits sur le front, images posthumes... Comment un jeune artiste prometteur devient une sorte de martyre de la défaite de la guerre de 1870.  La section suivante nous présente sa formation à l'école des beaux-arts où il obtiendra le prix de Rome, ses travaux en Italie puis sur les chemins du voyage avec ses amis Clairin (si un musée voulait bien un jour lui consacrer une exposition...), Benjamin-Constant et Bida.

 

Consacrées aux portraits et aux voyages, les deux sections suivantes ne font que confirmer le talent d'un artiste qui avait tous les choix de carrière possible : ses portraits au crayon ont une technique imparable et une grande puissance d'expression que confirme le portrait du Baron Portalis présenté au salon de 1864 ; ses images d'Espagne ou d'Orient rivalisent sans problème avec les meilleurs artistes de son temps. Et Regnault aurait pu être un peintre d'histoire post-romantique extraordinaire. On ne le saura jamais mais ce que nous montre le musée de Saint-Cloud est suffisant pour apprécier une carrière courte mais intense.

 

Henri Regnault (1843-1871), le sabre et le pinceau, Saint-Cloud, musée des Avelines, jusqu'au 13 juillet 2025.

02/07/2025

Petit passage en galeries...

Malgré la chaleur, petite balade dans les galeries parisiennes dont ressortent deux expositions monographiques vraiment très intéressantes.

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La galerie La Nouvelle Athènes présente un superbe ensemble de dessins de Jean Baptiste Lavastre ( 1834 - 1891 ), surtout connu comme décorateur d'opéra. S'il y a finalement assez peu d'études pour des décors (mais certains ont déjà rejoints leurs nouveaux propriétaires...), il y a de très nombreux dessins du sud de la France et de Paris dans un grand nombre de techniques et de points de vue différents qui montrent un paysagiste vraiment sensible. Si vous ne pouvez pas vous déplacer (c'est dommage), le catalogue est en ligne par ici.

 

La galerie Claude Vittet présente, elle, une trentaine d’œuvres sur papier, essentiellement des aquarelles, de Victor Jean Nicolle ( 1754 - 1826 ). Ces vues italiennes, essentiellement de Rome, sont surtout des vues urbaines très fidèles, l'artiste ayant eu d'abord une formation d'architecte. Si j'ai préféré les paysages où les architectures laissent un peu de place à la nature (arbre, rivière, campagne), il est indéniable que Nicolle est un très bel artiste. Et la première salle de la galerie présente un superbe ensemble de toiles et quelques gouaches du XVII° (mais pas que). A voir !

 

 

30/12/2024

François Chifflart

La maison de Victor Hugo à Paris a vraiment une très belle politique d'expositions, qu'elles soient monographiques (Louis Boulanger, Georges Hugo et que de regrets de n'avoir pu voir François Auguste Biard en raison du Covid) ou thématiques avec des accrochages temporaires des collections. On regrettera juste que les catalogues soient souvent médiocres, avec très peu d'essais et même pas de reproductions de toutes les œuvres exposées.

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L'exposition François Chifflart (1825 - 1901 ) est ainsi une vraie grande réussite mettant en valeur un artiste essentiellement oublié et peu présenté dans les musées français à part dans sa ville natale de Saint-Omer. Essentiellement chrono-thématique, elle nous présente le jeune dessinateur prometteur passé dans l'atelier de Léon Cogniet dont on voit deux portraits, puis le grand prix de Rome (avec le superbe Périclès au lit de mort de son fils, sans doute un de mes préférés de cette époque avec le Cabanel) et le voyage en Italie, ses tentatives avortées de faire une grande carrière officielle dans la peinture d'histoire (essentiellement représentée par des petits formats, la grande Bataille de Cannes n'a pas pu faire le déplacement faute de place et n'a semble-t-il pas été accroché non plus par le Petit Palais dans les réserves duquel elle réside) pour finir sur la gravure (en particulier des œuvres de Hugo, d'où le lieu pour l'exposition) dans laquelle il se lança faute de réel succès en peinture et pour laquelle il a fourni des dessins absolument superbes.

 

Pourquoi cet insuccès ? Le sous-titre de l'exposition est "l'insoumis" et il faut sans doute entendre par là que Chifflart n'a pas compromis son art aux modes du moment (son prix de Rome montre qu'il avait pourtant la technique qui lui aurait permis de faire une carrière en faisant du joli et consensuel). Il me semble personnellement qu'il est né 20/30 ans trop tard. Dans son coloris, ses thèmes, la puissance des sentiments exprimés, je trouve quelque chose de Géricault. On l'imagine parfaitement à sa place au salon de 1819, bataille entre classiques et romantiques si bien montrée par le musée Girodet il y a quelques années. Se confronter à Delacroix, Scheffer, Decamps (dont j'ai trouvé ses paysages avec figures assez proche), Devéria... Pas une surprise qu'il ait excellé à illustrer Hugo...

 

Bref une exposition à faire absolument sur Paris !

 

François Chifflart, l'insoumis, Paris, maison de Victor Hugo, jusqu'au 23 mars 2025