04/04/2011
Cranach et son temps
Version allégée de l'expo du Bozar de Bruxelles, Cranach et son temps a choisi de nous présenter les œuvres par thèmes et le plus souvent possible en les comparant avec certains de ses contemporains qui l'ont influencé ou qu'il a pu influencer (Dürer, Metsys, Lucas de Leyde...). Le point de vue est intéressant : on y voit les liens artistiques entre Flandres, Italie et pays germaniques et comment se fait l'intégration progressive des codes de la Renaissance. Pouvoir par exemple admirer côte à côté des Lucrèce, deux de Cranach, une de Francia et une du Maître du Saint Sang ou des vierges de Cranach, Metsys ou Dürer est fort appréciable. Et les salles sur la réforme ou les « dangers » des femmes sont tout à fait passionnantes. Mais ce choix a un inconvénient : il rend plus difficile la perception des changements stylistiques dans l'art du maître et ne permet pas vraiment de prendre conscience de l'importance de l'atelier (certaines œuvres étant vraiment de qualité moindre).
S'il fallait trouver un défaut, ce serait sans doute qu'au milieu de nombreuses oeuvres remarquables (La crucifixion, Le martyre de Ste Catherine, La bouche de vérité, Hercule chez Omphale, La mélancolie'...) , la salle des nues, a priori moment majeur de l'exposition, est un peu décevante : trop d'Adam et Eve un peu redondants et pas tous convaincants et peu de représentation des autres thèmes (pour les Trois Grâces, il faudra aller au Louvre...). Mais cela reste un reproche mineur (avec le fait qu'on aurait aimé en avoir un peu plus...) pour une exposition à la scénographie et à l'éclairage impeccables, et où il a été choisi de faire entrer le public au compte-goutte, ce qui permet de ne pas avoir d'attroupements (mais risque de donner des files d'attente considérables les jours d'affluence) et donc de pouvoir aussi bien profiter des œuvres avec un peu de recul ou de tout prêt, pour admirer la finesse des feuillages, des broderies, des boucles blondes comme les paysages aux architectures raffinées ou les détails amusants. Un vrai plaisir !
Cranach et son temps. Musée du Luxembourg, juqu'au 23 mai 2011
07:18 Publié dans exposition à Paris | Lien permanent | Commentaires (0)
02/04/2011
Un bilan Automne / Hiver 2010
Avant de commencer à faire le tour des expositions - poids lourds de ce printemps, petit retour sur celles de ces derniers mois dont je n'avais pas parlé sur jécoute, le lieu me paraissant de moins en moins approprié à cela.
Claude Monet au Grand Palais
Que dire d'une exposition dont le but n'était pas de nous apprendre quoi que ce soit sur un des peintres bénéficiant le plus régulièrement de grandes expositions mais qui présentait un nombre considérable d' œuvres de toute beauté ? Que c'était un plaisir pour les yeux ? Ca l'aurait vraiment été sans la foule (pourtant en y allant le 26 décembre, il n'y avait presque pas de queue) rendant la visite à la limite du désagréable. On remarquera aussi qu'avec autant de monde, les audioguides provoquent des attroupements rendant le tout encore plus pénible. Restaient les œuvres, heureusement...
France 1500 au Grand Palais
Un vrai propos, nombre de chef d'œuvres (voir ensemble toutes ces peintures du Maître de Moulins par exemple...), une exposition superbe souffrant malheureusement à son niveau des mêmes problèmes de gestion des visiteurs que l'expo Monet, en particulier devant les enluminures. Ou comment concilier nombre et confort des visiteurs ? Un peu dense et touffue aussi, par moment, pour les non-spécialistes comme pour les enfants.
Trésors des Médicis au Musée Maillol
Sans réel but (il y aurait tant à dire sur chacun des Médicis, alors parler de tous en même temps) et avec un choix d'œuvres de tous genres, de tous styles et de toutes qualités, on est en face de l'exposition cherchant à rameuter un large public sur son seul nom. Pour apprendre quelque chose, passez votre chemin. Pour le plaisir de l'œil, il faut butiner à gauche et à droite pour trouver de superbes objets au milieu d'autres dont on se demande ce qu'ils font là, à part faire le nombre...
Jean-Léon Gérôme, l'Histoire en spectacle au Musée d'Orsay
Après Cabanel à Montpellier, il ne manque plus que Bouguereau pour que la trilogie des pompiers maudits soit (un peu) réhabilitée. Coloriste parfois froid, dessinateur excellant dans le luxe du détail mais pas toujours très sûr dans ses visages, Gérôme est avant tout un maître dans la représentation de l'histoire dans ce qu'elle a de plus anecdotique, dans une approche très frontale flirtant parfois avec une certaine vulgarité. S'il y a rarement à penser dans une de ses toiles, il y a toujours à voir et quelle imagination dans la mise en scène pour nous montrer les choses comme on ne l'avait jamais fait avant. Une exposition d'une richesse inouïe, tellement dense qu'il était nécessaire de la voir plusieurs fois.
Rubens, Poussin et les peintres du XVIIe siècle au Musée Jacquemart-André
Une exposition au propos confus (le classicisme français né du baroque anversois ???) avec des tableaux de qualités ou d'attributions douteuses... il fallait bien un nom ronflant pour rendre le tout attirant et cela devient malheureusement une habitude à Jacquemart-André que de nous décevoir. Il y avait sans doute meilleure façon (et meilleures œuvres...) de nous présenter les rapports artistiques entre la France et les Flandre, car à part pour une poignée de toiles (deux paysages de Patel, une confrontation entre un La Hyre et un Snyders de thème similaire) et deux superbes dernières salles consacrées au classicisme à Liège, on ne pouvait que ressortir qu'avec l'impression de s'être un peu fait avoir...
Tivoli - Variations sur un paysage au XVIII° siècle au Musée Cognacq-Jay
Poids léger comparé aux précédentes, l'exposition sur la représentation du temple de Tivoli confirme le haut niveau actuel des expositions du musée Cognacq-Jay, pas nécessairement très grandes mais toujours passionantes. Consacrée bien entendu essentiellement aux artistes de la période auquel se consacre le musée, elle présente des visions aussi bien réalistes que totalement réinventés du sujet par des artistes comme Boucher, Joseph Vernet, Hubert Robert, Lacroix de Marseille, Piranèse, Simon Denis... Quelques œuvres d'époques précédentes et surtout postérieures (superbe petite Ruine de Léon Cogniet par exemple) complètent la présentation et montrent comment les artistes utilisent à leur convenance un motif devenu très populaire.
La Russie romantique - Chefs-d'eouvre de la galerie nationale Tretiakov Moscou au Musée de la vie romantique
Si l'on tique souvent devant l'utilisation du qualificatif romantique pour les œuvres présentées, quel plaisir de découvrir ces artistes russes que l'on ne connaissait que par des reproductions : les portraits de Brioullov, Sokolov, Tropinine ou Kiprenski, les paysages de Chtchédrine (superbe Clair de lune à Naples), Gagarine, Ivanov ou Vorobiev (sublime Chêne foudroyé) ou les natures mortes sur papier de Fedor Petrovitch Tolstoï dont le Trompe-l'œil : paysage sous papier transparent est absolument magistral.
16:06 Publié dans exposition à Paris | Lien permanent | Commentaires (0)
12/03/2011
Georges de Lastic
S'il fait beau ce dimanche (et même s'il pleut en fait), il ne faut pas hésiter à se rendre sur les lieux de l'exposition sur Georges de Lastic. Partagée entre les deux musées dont il fut le conservateur, le musée de la vénerie à Senlis et le musée de la chasse et de la nature à Paris, elle présente au public jusqu'au 13 mars un florilège parmi les collections d'un sacré amateur d'art.
On ne peut qu'être ébloui par la qualité des portraits en entrant dans la première salle parisienne, éblouissement confirmé dans la salle suivante et à Senlis. Ce sont des œuvres majeures qui se présentent sous nos yeux et pas les plus grands spécialistes français du genre, formant un superbe panorama du genre : Pierre Mignard (le très classique mais tout à fait superbe Portrait présumé de Marie Mancini qui n'est pas attribué avec certitude ou le modello pour La famille du Grand Dauphin), Hyacinthe Rigaud (La Comtesse de Lignières avec ses étoffes chatoyantes mais aussi trois portraits d'artistes dont Antoine Coysevox et Gabriel Blanchard), Nicolas de Largillière (un ensemble exceptionnel dont une somptueuse Marie Madeleine de la Fayette où le chien allongé devant sa jeune maîtresse et le paysage rappelle que l'artiste était loin de n'être que portraitiste, mais aussi le portrait d'enfant Nicolas Jean-Baptiste Hallé en saint Jean-Baptiste, le Portrait de gentilhomme que l'on voit sur l'affiche de l'exposition ou ou le portrait de famille La marquise de Noailles et ses deux enfants dans lequel trouve sa place un portrait de l'époux défunt), Nattier (un inhabituel Mademoiselle de Charolais peinte en robe de bure).
Mais on découvre également un Autoportrait où Isaac Fuller semble se représenter éméché, une version du Portrait équestre de Louis XIV à cheval par René-Antoine Houasse et trois charmants portrait d'enfants du XIXème, deux par le prix de Rome Léon Bénouville manquant un peu de naturel et le troisième plus gracieux par Léopold Horovitz. Le portrait n'est pas le seul genre brillamment représenté puisque sont aussi présentes des natures mortes par Largillière, Meiffren Conte (somptueuse Nature morte d'orfèvrerie, coquillages et jeu de cartes), Jean-Baptiste Oudry et deux simples et raffinées études de fleurs de Anne Vallayer-Coster ; des modello (Philippe et Jean-Baptiste de Champaigne, Nicolas Loyr, Joseph Parrocel), un très beau paysage classique de Jean Lemaire, deux ravissantes scènes de genre de Jacques van Schuppen et quelques œuvres sur papier (Oudry, Louis Aubert). Enfin, comment ne pas finir par l'artiste que Georges de Lastic a cherché sans cesse à remettre en valeur (et dont la monographie vient de paraître), le peintre des chasses de Louis XIV Alexandre-François Desportes. En plus d'une délicate Étude de fleurs, le musée de Senlis présente dans la salle qui lui est consacré et où trônent deux grands formats, trois œuvres superbes : Beagles chassant un lièvre, Chasse au cerf et Gibier mort gardé par un chien.
Deux très belles expositions dont on regrettera pour des raisons de commodité qu'elles ne soient pas réunies (même si on comprend très bien pourquoi), accompagnées d'un catalogue aux illustrations superbes avec des articles et des notices passionnantes.
Georges de Lastic (1927-1988), le Cabinet d'un amateur.
Musée de la chasse et de la nature, Paris et musée de la vénerie, Senlis, jusqu'au 13 mars 2011.
16:16 Publié dans exposition à Paris, exposition en province | Lien permanent | Commentaires (0)
Giuseppe de Nittis
Publié auparavant sur jécoutedelamusiquedemerde (le 6 novembre 2010).
Vous vouliez avoir voir l'expo Claude Monet mais les heures de queue et l'idée de se masser à 50 devant chaque oeuvre vous rebutent ? Pourquoi ne pas traverser l'avenue Winston Churchill et profiter de l'expo sur son contemporain Giuseppe de Nittis au Petit-Palais ?
Artiste protéiforme dans ses thèmes (l'expo est d'ailleurs regroupé ainsi plutôt que chronologiquement : le Vésuve, les courses, Londres...) et dans sa manière (de l'esquisse impressionniste à des tableaux au métier très fini), l'italien basé en France connut un beau succès tout à fait compréhensible à la vue de la centaine d'oeuvres exposées. Il fait ainsi un sérieux concurrent à son ami Tissot dans la représentation des élégantes mondaines (le côté ampoulé et sec en moins) et un peintre des rues parisiennes agitées bien plus convaincant et moins anecdotique qu'un Béraud. On sent toujours chez lui le souci de la représentation magnifiée de la nature et de ses éléments, que ce soit dans un paysage d'Italie bercé de soleil et composé en atelier ou des petits tableaux de nuages brossés sur le vif.
Personnellement, j'avouerai une préférence pour les trois charmantes scènes de neige et pour la magnifique série de petites vues du Vésuve, d'une liberté de touche et de composition extraordinaires tout en admirant sa capacité (d'apparence surprenante pour quelqu'un du sud) à rendre les ambiances brumeuses et humides, ce qui en faisait le peintre parfait des rues animées de Londres, cette salle de l'expo étant sans doute celle qu'il est le plus difficile de quitter...
Encore une très belle expo au Petit-Palais, qu'on recommandera chaudement. Tous les renseignements pratiques sont sur ce site.
15:52 Publié dans exposition à Paris | Lien permanent | Commentaires (0)
Le maestro della tela jeans
Auparavant publié sur jécoutedelamusiquedemerde (le 27 octobre 2010).
Étrangement, le billet de Thomas sur la série Maison Close m'emmène à parler de l'exposition Le Maître de la toile de jeans à la Galerie Canesso qui ferme dans quelques jours (en fait elle est prolongée jusqu'au 27 novembre, courrez-y !). Quel rapport, me direz-vous ? La représentation d'une certaine misère. Mais là où on peut s'interroger sur les motivations d'une chaîne qui a crée son empire sur la trinité Foot-Cul-Déconne en montrant un bordel du passé (notons que je n'essaierai jamais de regarder cette série), un maître anonyme de la fin du XVIIème siècle reste d'une étonnante actualité.
En voyant ce Petit mendiant avec une part de tourte d'il y a au moins 300 ans, difficile de ne pas penser à ces reportages sur les Roms dont les infos télé nous ont gavé ces dernières semaines. Et pas seulement en raison de cette veste en jean rapiécée qui paraît d'abord totalement anachronique. Peu importe de savoir si cette toile de coton de Gênes est à l'origine du jean ou pas, l'important est qu'elle est servie à rassembler un petit groupe de toiles anonymes (10 dont 8 sont présentes à l'expo) sous un patronyme générique excellemment trouvé (le Maître de la toile de jeans, donc) parmi ces peintres de la réalité où il y a encore tant de choses à découvrir.
Fans d'expositions copieuses, passez votre chemin car il n'y a « que » 14 œuvres à admirer (trois de peintres précédant notre anonyme et trois probablement postérieures). Mais cela laisse d'autant plus de temps pour admirer, comparer et méditer. Car il n'y a chez le Maître de la toile de jeans aucun désir d'anecdote, encore moins de leçon de morale et absolument pas de performance technique. La condition humaine des pauvres gens est représentée dans toute sa simplicité, sa banalité, sa brutalité. Il n'y a pas de beau ici, pas d'histoire non plus, et on peut s'interroger sur le public qu'il pouvait y avoir pour ce genre d'œuvres. A moins qu'un sens caché ne nous échappe aujourd'hui. Reste huit toiles, un peu hors du temps, qui nous touche plus qu'elle ne le devrait....
Et ce qu'il se dégage finalement, chez ces « petites gens », est un fort sentiment de lassitude, de résignation, de renoncement. Et de se demander si un artiste n'obtiendrait pas le même genre de chose en cherchant à représenter la France d'octobre 2010... Ce qui serait autrement plus intéressant, judicieux, osé et significatif que de s'intéresser à la condition des putes il y a 140 ans. Mais quel en serait le public ?
15:49 Publié dans exposition à Paris | Lien permanent | Commentaires (0)
Les Orientales
Auparavant publié sur jécoutedelamusiquedemerde (le 17 avril 2010).
Pour marquer le redémarrage progressif de ce blog, une petite expo parisienne avec Les Orientales au musée Victor Hugo.
Il est amusant de constater que, si la peinture orientaliste est très présente en librairie, elle est finalement peu représentée dans les musées (on serait curieux de voir les réserves du musée d'Orsay (entre autre) sur ce thème) et bénéficie rarement d'expositions. Une bonne raison de se rendre place des Vosges...
Organisée autour de grands thèmes tels les précurseurs (section d'ailleurs malheureusement pauvre en oeuvres), en Grèce ou les femmes, l'expo nous présente sculptures, dessins, gravures et peintures, souvent de petites dimensions, aussi bien d'artistes majeurs (Delacroix, Géricault, Chassériau) que quasi-inconnus mais pour une bonne partie rarement ou jamais vues (pas mal proviennent de collections privées ou des musées d'Athènes). Le tout organisé autour de textes du grand Totor (oui, il faut bien justifier la présence de l'expo en ce lieu).
Si l'ensemble n'est pas d'une grande cohérence, ni thématique ni qualitative, on prend plaisir à flâner dans les salles pour découvrir de charmants petits trésors en lisant les extraits proposés. Et parmi les différentes représentations, souvent assez comiques avec notre regard contemporrain, il faut bien le dire, de Mazeppa, celle de Géricault nous éblouit et laisse un souvenir impérissable. On n'en dira pas autant d'une exposition sympathique mais d'une portée trop limitée.
15:38 Publié dans exposition à Paris | Lien permanent | Commentaires (0)