15/06/2011
Sainte Elisabeth (2ème partie)
Le déambulatoire de Sainte Elisabeth est orné de quatre grandes peintures (commandées en 1844) en demi-cercle (sans doute un hommage direct aux loges de Raphaël) qui figurent parmi les meilleurs témoignages, avec les chapelles de ND de Lorette, de ceux qu'on appelle parfois (abusivement ?), autour de Orsel, Périn, Amaury-Duval, Janmot et Signol, les nazaréens ou les préraphaelites français. Elles ont été visiblement restaurées récemment en espérant que ce ne soit pas à la manière du grand Thomas Couture du musée d'Orsay...
On peut bien parler de nazaréen devant 'les Béatitudes' de Guerman von Bohn (1812-1899) allemand venu finir sa formation à Paris auprès de Ary Scheffer et Henry Lehmann, qui voyagea en Italie, fit carrière en France puis dans son pays d'origine (peintre de la cour royale de Würtemberg) et qui est surtout connu a priori pour ses scènes de genre romantiques avec des jeunes filles rêveuses, tant elle doit beaucoup à Overbeck dans sa recherche d'une certaine spiritualité. Reste que s'il y a de forts beaux morceaux de peintures (dans le groupe de gauche en particulier), l'ensemble est assez sec et austère, en particulier à cause d'un thème pas franchement folichon.
S'il hérite lui aussi d'un sujet pas forcément facile à illustrer ('Les sept oeuvres de Miséricorde')(le sujet n'est pas rare mais les tableaux sur ce thème souvent barbant...), Jean-Louis Bézard (1799-1861) se montre nettement plus inspiré : les différents groupes sont bien mis en évidence dans une architecture bien délimitée, le tout dans un coloris fort délicat. L'élève de Guérin et de Picot, prix de Rome en 1829 avec 'Jacob refusant de livrer Benjamin', est loin d'être toujours aussi inspiré dans les nombreuses oeuvres de lui qu'on peut trouver dans les différentes églises parisiennes mais il offre ici une oeuvre inspirée à la fois par les loges de Raphaël et les Vénitiens (Carpaccio, Bellini) de tout premier plan (l'esquisse fut présentée à l'exposition Les Années Romantiques).
Alors qu'il hérite d'un sujet autrement plus passionnant, Paul Jourdy (1805-1856) fait preuve d'une extrême platitude dans la représentation de ses 'Sacrements'. Si chacun des trois groupes principaux est de belle qualité, l'élève de Lethière puis d'Ingres, prix de Rome en 1834 avec 'Homère chantant ses vers' et auteur d'une honorable carrière de peintre d'histoire, peine à les lier entre eux et à rendre sa scène un peu vivante. Tellement classique qu'on a parfois l'impression de voir ses références (Pérugin ?).
Elève de Gros ayant connu une bonne carrière officielle de peintre de batailles et de scènes religieuses pour les églises parisiennes, Adolphe Roger (1800-1880) offre une version étonnamment calme et personnelle du 'Jugement dernier'. Loin de l'agitation habituelle de ce genre de scène comme de ses propres oeuvres très inspirées des primitifs italiens de la chapelle des fonts baptismaux de l'église ND de Lorette à Paris, Roger semble ici s'approprier la leçon de Michel-Ange.
18:05 Publié dans eglise de Paris | Lien permanent | Commentaires (0)
08/06/2011
Au Louvre ce printemps 2011 : 3ème partie
Juste quelques mots pour évoquer les deux expositions, comme toujours passionnantes, du Cabinet des dessins de ce printemps qui viennent juste de fermer (le 6 juin).
D'une part, l'exposition Pietro da Cortona et Ciro Ferri se révélait assez aride, le grand maître baroque, son élève et son atelier étant représentés aussi bien par de superbes planches très finies que par des études de composition ou des projets architecturaux ou décoratifs.
D'autre part, l'exposition Louis de Boullogne montrait que si le premier peintre du roi et directeur de l'académie est parfois un peintre un peu sec, comme beaucoup de ses contemporains de la période entre le classicisme de Le Brun et le rococo de Boucher, il est un prodigieux dessinateur, aussi bien pour les études de figures que de grandes compositions, pleines de vie, de mouvement et de profondeur. Un seul regret, que le catalogue ne propose pas toutes les oeuvres présentées ni de reproduction des peintures correspondant (sans doute pour permettre un prix raisonnable). Un bel exemple de son art avec 'Deux jeunes femmes endormies' faisant partie de nombreux dessins préparant des tableaux sur l'histoire de Diane.
© Musée du Louvre
12:47 Publié dans exposition à Paris | Lien permanent | Commentaires (0)
05/06/2011
Sainte Elisabeth (1ère partie)
Si la plupart de ses oeuvres sont dans un bon état (on peut même se demander si la restauration des quatre grandes oeuvres du déambulatoire n'a pas été un peu agressive...), l'église Sainte Elisabeth est quand même un bon exemple du peu de considération qu'ont reçu (et continue trop souvent de recevoir) les grandes peintures religieuses du XIX°.
En très mauvais état se trouvent donc quelques peintures du bas-côté droit qui est actuellement en travaux (mais uniquement pour les verrières semble-t-il) comme ce 'Christ mort sur les genoux de la vierge' qui est sans doute l'oeuvre citée dans le Renouveau de la peinture religieuse en France (1800-1860) de Bruno Foucart comme de Jean-Louis Bézard (on en reparle dans la deuxième partie) et qui doit énormément à la renaissance italienne.
Dans un état moins alarmant mais avec quand même quelques belles fissures, une grande 'Glorification de Sainte Elisabeth de Hongrie' de Jean Alaux dit le Romain (1786-1864) orne le choeur. Prix de Rome en 1815 avec un saisissant 'Briseis pleurant Patrocle', il fut l'élève de Pierre Lacour l'aîné à Bordeaux puis de Vincent à Paris. Il se lia d'amitié avec Ingres à Rome, où il devint plus tard directeur de l'académie, et fut le peintre préféré de Louis Philippe. Surtout connu pour ses grandes reconstitutions historiques comme 'Le Baptème de Clovis' ou les nombreuses oeuvres pour Versailles (comme celle-ci), cet hémicycle serait sa seule peinture religieuse connue et est avec son fond or à rapprocher des nazaréens français (Orsel, Perin, Roger). On trouvera plus de détails sur Alaux par ici.
Pas de problème d'état mais des reflets et des objets rendent peu lisible le Sainte Elisabeth de Hongrie deposant sa couronne aux pieds de l'image du christ de Merry-Joseph Blondel (1781-1853). Elève de Regnault, prix de Rome en 1803 avec 'Enée portant son père Anchise', couvert d'honneur et de commandes (Louvre, Fontainebleau, églises parisiennes...) de son vivant puis oublié et déconsidéré, il est un excellent dessinateur tout en faisant preuve d'un sens aigu de la composition. Si certains de ses décors font preuve d'un clacissisme un peu sec et froid, cette grande composition religieuse peinte encore assez tôt dans sa carrière (1819) et dont l'esquisse du Petit Palais fut exposé pour Les années romantiques, se classe parmi ses meilleures oeuvres : composition très lisible, lumière mettant heureusement en valeur le groupe principal de personnages, différents morceaux de bravoure dans le décor ou les personnages...
Dans la même chapelle, deux toiles de Henri-Auguste-Callixte-César Serrur (1794-1865), 'Sainte Elisabeth soignant un malade' et 'Sainte Elisabeth en prière' sont d'une qualité bien moindre (et mériteraient un bon nettoyage). Cet autre élève de Regnault, plusieurs fois médaillé aux Salons, s'était plutôt spécialisé dans les scènes d'histoire antique ou médiévale et les batailles, ce qui explique sans doute le peu de commandes religieuses qu'il a reçu. Il semble ici fortement s'inspirer de l'art italien de la renaissance.
Enfin, on finira cette première partie (la suite et la fin bientôt) par des oeuvres qu'on ne peut pas voir, la chapelle des Catéchismes étant fermé la plupart du temps, si ce n'est sur la pointe des pieds à travers une vitre (ce qui explique la médiocrité des photos). Ces oeuvres majeures d'artistes réputés à leur époque comme Nicolas-Auguste Hesse ('Le sermon sur la montagne') ou Adolphe Roger ('Laissez venir à lui les petits enfants') mériteraient de pouvoir être vues...
17:34 Publié dans eglise de Paris | Lien permanent | Commentaires (0)
03/06/2011
Vite, ça ferme ! (bis)
Il aura fallu que je me balade dans Paris pour me rendre compte que l'exposition du Grand Palais dont je promets de parler depuis des semaines ferme lundi prochain et qu'il est donc tout juste encore temps de faire envie à ceux qui ne s'y sont pas encore rendus (il doit y en avoir, vu qu'il n'y avait personne à chaque fois que je suis passé devant...) à l'exposition parisienne la plus intéressante de ce printemps 2011 (cela n'engage que moi).
Après une première salle consacrée à deux chef d'oeuvres d'Annibal Carrache dont le Paysage fluvial de la National Gallery of Art de Washington qui est absolument saisissant, on entre dans le vif du sujet avec l'effervescence romaine autour de 1600 où se mêlent artistes nordiques (Bril, Brueghel, Elsheimer...) et italiens (Carrache, Albane, Dominiquin...) et la création, peut-être pas du paysage comme genre autonome comme l'annonce l'exposition (difficile de ne pas considérer certaines oeuvres de Patinir, entre autres, comme des paysages), mais du moins du paysage classique.
Les salles suivantes nous présenteront l'évolution du paysage bolonais, l'évolution du paysage nordique, les dessins puis des toiles autour de Poussin et de Claude Gellée. Au milieu des innombrables merveilles présentes (aucune oeuvre ne mérite qu'on ne s'arrête pas longuement devant elle), on notera le plaisir de pouvoir comparer des peintures sur le même thème (comme Le repos pendant la fuite en Egypte ou Latone métamorphosant les bergers de Lycie en grenouilles), de découvrir quelques artistes moins connus comme Pietro Paolo Bonzi et surtout Goffredo Wals dont le petit tondo Route de campagne avec une maison est tout à fait étonnant et d'admirer les différents grands formats peints pour le palais du Buen Retiro.
Une exposition somptueuse par les oeuvres présentées et passionnante par son thème, dont le seul repproche serait finalement qu'elle donne envie d'en voir tellement plus...
Nature et idéal : le paysage à Rome, 1600 - 1650, Grand Palais, jusqu'au 6 juin 2011
17:14 Publié dans exposition à Paris | Lien permanent | Commentaires (0)
02/06/2011
Vite, ça ferme !
Deux expositions n'ayant pas eu énormément de publicité ferment ce week-end, alors petite séance de rattrapage.
Pas le lieu d'exposition le plus connu de Paris (pourtant il y a régulièrement de bonnes choses), la Mona Bismarck Foundation présente des oeuvres venues de l'Institut Gustave Courbet à Ornans, en raison de la fermeture du musée pour travaux. Alors certes on n'est pas en face d'oeuvres majeures du grand maître réaliste et on aurait aimé en savoir plus sur l'intervention des "collaborateurs" sur un certain nombre de toiles, mais c'est toujours un plaisir de profiter de sa technique très particulière et de son sens aigu de la nature sauvage. Parmi les peintures marquantes, on notera 'Le saut de la Brême', 'Le passage du gué', 'Le peintre et son modèle dans un paysage rocheux' ou 'Une papeterie à Ornans'. Le seul défaut de cette petite expo gratuite reste finalement son catalogue, certes peu onéreux mais dont certaines reproductions sont un peu décevantes et qui manque sérieusement de matière.
Gustave Courbet, l'amour de la nature, Mona Bismarck Foundation jusqu'au 4 juin 2011 (attention, c'est fermé le 2 et le 3 juin...).
Après Pelez et De Nittis, le Petit Palais remet en lumière un autre artiste ayant beaucoup illustré la capitale à la fin du XIX° et au XX°, Jean-Louis Forain, en présentant un nombre important de gravures, d'aquarelles, de dessins et plus inhabituel (Forain est surtout connu de nos jours comme caricaturiste), de peintures. Si l'on n'est pas forcément convaincu par toutes les oeuvres présentées plus ou moins chronologiquement et par thèmes, il est très agréable de se balader dans les salles en se laissant guider par sa curiosité. Un excellent article est disponible sur la Tribune des Arts.
Jean-Louis Forain (1852-1931), « La Comédie parisienne », Petit Palais jusqu'au 5 juin 2011.
14:15 Publié dans exposition à Paris | Lien permanent | Commentaires (0)
31/05/2011
Notre-Dame de Bercy
Pour illustrer l'édito d'il y a trois jours, commençons par la petite église ND de Bercy construite en 1825 et totalement insignifiante d'un point de vue architectural mais qui contient cinq (six si on tient compte d'une Nativité flamande anonyme du XVII°) excellentes peintures, représentant merveilleusement l'art religieux français des XVII et XVIII° siècle. Si ces oeuvres semblent être toutes dans un état de conservation convenable, elles sont assez peu appropriées à l'exiguité du lieu et pour le moins peu mises en valeur par un éclairage naturel fort brutal. Mais comme de toute façon le lieu est loin de tout circuit touristique parisien, ces toiles dignes du Louvre croupissent tranquillement dans leur coin...
Jacques Stella (1596-1657), fils d'un peintre d'origine flamande et peut-être élève de Horace Le Blanc, est surtout marqué par sa rencontre avec Poussin et fait partie des principaux représentants de l'atticisme parisien. Avec sa composition monumentale, peu chargée en personnages et utilisant parfaitement l'architecture, 'Le Christ et la Samaritaine' est un superbe exemple de son art. Il y a au Louvre un dessin préparatoire.
Si Louis Boullogne le père (1609-1674) fut nommé académicien dans la première assemblée que fit l'Académie en 1648, il est aujourd'hui nettement moins connu que ses enfants Geneviève, Madeleine, Bon et surtout Louis (qui fut premier peintre du roi). Ce 'Christ en croix' aux expressions un peu figées est assez typique d'une production classique.
Daniel Hallé (1614-1675) ne fut jamais académicien contrairement à son fils Claude-Guy et à son petit-fils Noël, bien qu'ayant travaillé auprès de Le Brun et reçu des commandes prestigueuses (un May de Notre-Dame). Peut-être à cause de son style un peu archaïsant, cette 'Annonciation' ayant encore par exemple un petit côté maniériste, plus sensible encore sur une oeuvre comme 'La Navité' du musée de Rouen.
Elève de Le Brun, Charles de la Fosse (1636-1716) a progressivement abandonné le classicisme de son maître pour une peinture plus flamboyante à la palette chaude influencée à la fois par les vénitiens et par Rubens, ce qui n'est pas forcément évident sur cette 'Résurrection de la fille de Jaïre' rendue malheureusement fort peu lisible par différents reflets, plutôt virtuose mais assez sage et froide, ce qui explique peut-être qu'elle fut aussi attribuée à Pierre-Jacques Cazes.
Jean-Baptiste Marie Pierre (1713-1789) fut élève de Natoire et premier prix de peinture en 1734, il fit une brillante carrière officielle jusqu'à la place de premier peintre du roi. Le sujet un peu original du 'Martyre de St Thomas Beckett' lui permet d'oser une mise en scène théatrale et des costumes chatoyants.
21:06 Publié dans eglise de Paris | Lien permanent | Commentaires (0)
28/05/2011
Les visites, ça vous fait réfléchir...
Découvrir des œuvres d'art dans les églises est un vrai plaisir (après tout, elles ont été créees pour être là ou du moins dans un lieu semblable) mais il ne faut pas négliger deux grands problèmes, l'un pour le visiteur, l'autre pour la conservation.
De nombreux tableaux ou décors peints se trouvent dans des endroits où il est très difficile de les voir dans de bonnes conditions, par exemple dans de petites chapelles latérales par forcément prévues à cet effet (surtout pour les grands formats du XIX°), pas toujours éclairées ou alors par un éclairage naturel pas forcément adapté (de grandes verrières par exemple). Il est très frustrant pour le visiteur de ne faire qu'entrapercevoir dans la pénombre une peinture de grande qualité, ou de ne la voir qu'à 45° et partiellement à cause des reflets brillants.
Les municipalités n'ayant pas les moyens d'entretenir et les lieux de culte (combien de nos églises sont dans de drôles d'état) et leurs œuvres d'art, il faut bien faire des choix. De nombreux tableaux et décorations murales du XIX° (mais pas seulement, on le verra dans de prochains billets) jugés mineurs (la peinture religieuse des années 1830-1870 a été tellement décriée...) se trouvent dans des états déplorables (sans doute n'ont-ils jamais été prioritaires mais certains semblent maintenant difficilement sauvegardables) et même des tableaux récemment restaurés souffrent de conditions de conservation indignes du fait de l'état de l'édifice qui les abrite. Par exemple, le 'St Germain et St Vincent' de Joseph-Marie Vien à l'église St Germain-l'Auxerrois, en parfait état sur la photo publiée dans le dossier de l'art sur les Peintures françaises du XVIII° des églises de Paris, subit visiblement les conséquences d'un problème d'infiltration.
Alors si la place des œuvres d'art est bel et bien dans les églises, peut-être serait-il souhaitable que les plus précieuses soient dans des lieux plus adaptés à assurer leur conservation et à leur permettre d'être admiré par les visiteurs, dans des musées d'art religieux régionaux par exemple (on pourrait très bien les remplacer par d'excellentes reproductions photographiques imprimées sur toile) et que l'on s'intéresse davantage aux œuvres considérées comme secondaires (en particulier certains grands décors) avant qu'elles ne soient définitivement détruites.
21:13 Publié dans edito | Lien permanent | Commentaires (0)